dimanche 19 mai 2013

Mud - Sur les rives du Mississipi

Réalisé par : Jeff Nichols

Avec : Mattew Mc Conaughey, Tye Sheridan, Sam Shepard...

Nationalité : Américaine

Genre : Robinson avec un gun

Durée : 2h 09 min






Ellis et Neckbone, 14 ans, découvrent lors d’une de leurs escapades quotidiennes, un homme réfugié sur une île au milieu du Mississipi. C’est Mud : un serpent tatoué sur le bras, un flingue et une chemise porte-bonheur. Mud, c’est aussi un homme qui croit en l’amour, une croyance à laquelle Ellis a désespérément besoin de se raccrocher pour tenter d’oublier les tensions quotidiennes entre ses parents. Très vite, Mud met les deux adolescents à contribution pour réparer un bateau qui lui permettra de quitter l’île. Difficile cependant pour les garçons de déceler le vrai du faux dans les paroles de Mud. A-t-il vraiment tué un homme, est-il poursuivi par la justice, par des chasseurs de primes ? Et qui est donc cette fille mystérieuse qui vient de débarquer dans leur petite ville de l’Arkansas ?







Critique de Mr H' 



Et si c’était lui ? Et si c’était lui l’avenir du cinéma américain ? Déjà réalisateur et scénariste de Shotgun Stories (2007) et Take Shelter (2012), Jeff Nichols n’en finit plus d’étonner par son inventivité, sa mise en scène et sa direction d’acteurs en nous livrant aujourd’hui Mud (littéralement « boue » en anglais), un film qui pourrait non seulement recevoir des Oscars mais également une flopée de glorieuses Golden Potatoes Awards. Pari tenu. 

En 2012, Benh Zeitlin nous avait déjà plongés dans le Bayou et La Louisiane avec Les  Bêtes Du Sud sauvage, révélation de l’année pour beaucoup. On y retourne avec plaisir en découvrant Mud, une immersion à la frontière de l’Arkansas et du Mississipi, le fleuve du même nom en étant la sublime barrière naturelle. Jeff Nichols a un don pour filmer les grands espaces et la nature, et de fait, la dangerosité qui en découle. Dans ses films précédents, l’inquiétude  provoquée par le ciel de Take Shelter répondait à la sécheresse des espaces moites de Shotgun Stories et ses deux fratries rivales. Ici, c’est la puissance du fleuve Mississipi qui est la première porte d’entrée d’un film où deux adolescents vont aller à la rencontre d’un Robinson Crusoé moderne incarné par Mattew Mc Conaughey, alias Mud. 

Conte initiatique ou épopée fantasmée, Mud rassemble les souvenirs d’une enfance rêvée par son auteur et convoque autant de références littéraires, qu’elles nourrissent l’imaginaire du spectateur et le renvoient à ses propres lectures (Mark Twain, Daniel Defoe…). Le scénario de Jeff Nichols est bien huilé. De la fascination initiale envers Mud, mythomane exilé car recherché pour meurtre sur une île déserte, naîtra le danger et la prise de risques inconsidérés au nom de l’amour, le vrai, l’unique, celui pour Juniper (Reese Witherspoon). Des seconds rôles toujours très justes (Michael Shannon, Ray Mc Kinnon et surtout Sam Shepard), on retiendra bien évidemment le jeu de Tye Sheridan (Ellis), adolescent étonnamment mature, sublimé par la caméra et les prises de vues de Jeff Nichols. 

Car le vrai sujet de ce film se trouve bien dans la relation et la fascination exercée par Mud sur Ellis. De leur rencontre va naître plus qu’une amitié. Par son look (chemise porte bonheur, allure négligée) et aussi ses aventures « illusoires » (Juniper, l’œil de loup, la morsure de serpent), Mud magnétise le jeune adolescent, devenant son mentor et une nouvelle figure paternelle quand son géniteur se complait dans la négativité et l’apitoiement. 

Transition vers l’âge adulte, celui des désillusions, le film de Jeff Nichols n’en demeure pas moins une fable optimiste où les rapports humains sont sincères et véritables. A la fois profond et poétique, violent et intransigeant, Mud est une grande réussite de ce début d’année 2013. Voir un film d’une telle qualité et d’une telle intelligence relève de l’exception. En témoigne l’unanimité entre critiques et public, chose très rare de nos jours… 






Critique de Kaal


L'année dernière, je découvrais cet inconnu, Jeff Nichols avec Take Shelter, œuvre d'art brut, un film puissant et pesant tout du long. Déjà on sentait une certaine patte d'artiste dont un talent pour filmer les paysages. Mud n'en est qu'une confirmation. Pour autant, j'ai trouvé ce dernier métrage légèrement en dessous de Take Shelter. Tentative d'explications.

Pour ce qui est du maniement du plan, de la représentation, il n'y a rien à redire, Jeff Nichols se pointe comme un futur virtuose. Sincèrement. Tout est réfléchi, on alterne entre plans fixes, caméra à la main, travelling, toujours dans une logique bien pensée.Le bonhomme dit s'inspirer de Terrence Malick, et ben, il se fout pas de notre tronche. Sa direction d'acteur est aussi excellente. Les deux gamins font preuve d'une grand maturité dans leur jeu, Tye Sheridan le premier. Un p'tit gars de 16 piges dont le premier métrage remonte à l'année 2011 : The Tree of Life de... Terrence Malick. Tiens donc ! Sam Shepard est nickel en vieil ermite ronchon. Le couple de parents d'Ellis joue aussi superbement leur rôle, dans leur attitude stricte et profondément vide. Reese Witherspoon (je déteste prononcer ce nom, car je n'y arrive pas) fait bien le taf. Mais surtout, MAIS SURTOUT, acclamons ensemble Matthew McConaughey qui visiblement, arrivé à la quarantaine, en a eu marre de jouer dans de sombres bouses. Après une très très grosse perf' dans Killer Joe, l'ex-nanardeur régale dans probablement un de ses plus grands rôles. Inquiétant, timbré, paumé, téméraire, stupide, tout est là. Son Mud nous embarque et nous ballade n'importe où sans que l'on puisse vraiment s'attendre à la suite et pendant tout le film, on va sans cesse se poser la même question : "mais what the fuck, c'est qui ce type ?!"

Oui mais, oui mais. Tout n'est pas parfait évidemment dans Mud. Certes un très grand film, mais pas un chef d’œuvre non plus. Quelques petites chose m'ont chiffonné. Malgré des explications sur le passé de Mud (oui parce qu'on finit par apprendre des trucs, faut pas trop se foutre de notre gueule non plus), ça me semble un poil léger pour en arriver à être bloqué sur une île. Vous le verrez, je trouve ça un peu limite même si globalement ça passe. Mais alors, ce que j'ai trouvé chelou, ce sont les motivations des gosses. Comment dire ? Imaginez vous à rentrer en pleine nuit après une bonne soirée entre amis, vous tombez sur un type tout dégueu, des spasmes continues à l'oeil droit et du sang sur sa chemise. Il vous demande de l'aider à remplir sa déclaration d'impôts dans une petite ruelle sombre. Selon toutes les lois de la logique humaine et même de la charité chrétienne, vous vous barrez. Ou au moins, vous lui mettez un coup de taser dans les parties intimes. Mais vous ne l'aidez pas gentiment et surtout gratuitement alors que vous même vous peinez à vous payer vos raviolis en conserve. Ben dans Mud, si. C'est pas parce que t'es un gamin que tu peux pas aider un type exilé sur une île qui a un flingue à la ceinture. Non, là c'est normal. Je veux bien croire que le mec a une grande force de persuasion, mais bon, faut pas exagérer ! Les gosses n'essayent même pas de lui résister !

Excepté ce petit coup de sang, Mud est vraiment, mais vraiment, un très bon film qui a largement sa place dans votre emploi du temps du mois. Jeff Nichols prouve une nouvelle fois que le cinéma américain va devoir compter sur lui à l'avenir et franchement, c'est une aubaine ! 






12 commentaires:

  1. On dit souvent que le spectateur est roi. Je dirais bien non compte tenu que les films les plus intéressants sont snobés par mon cinéma les trois quarts du temps pour un Evil dead. Ce sera DVD donc encore une fois.

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  2. Je rejoins cet avis (ainsi que la grande majorité de la critique) pour louer les nombreuses qualités de ce film, d'ors et déjà un fleuron de cette année.

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  3. Youpi du nouveau ! :) En plus sur un film que j'hésitais à aller voir (du coup j'hésite plus ;) )

    A.

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  4. Début d'année 2013 ? on est quand même en mai, cher trou du cul.

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  5. Perso sur toute l'année j'ai bien du mal à trouver un film aussi bon que The place beyond the pines. Et pour le reste, je ne retiens réellement que Maniac, Flight, Cloud Atlas et This is 40.

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  6. Je vais pas être du même avis, c'est une certitude.
    Billet à venir demain matin.

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  7. Kaal, si tu n'a pas compris la motivation des gosses alors tu n'a pas saisi "l'âme" du film.

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    1. Mais si, pour Ellis, c'est prouver que le vrai amour existe, notamment par différence avec ses parents à qui il voudrait le prouver. Quant à Neckbone, même si j'aime beaucoup le personnage, c'est pas très crédible. Je déplore une certaine légèreté cachée par de beaux sentiments.

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    2. Je rejoins Roxy mon grand sur les motivations d'Ellis et Neckbone. A vrai dire c'est pas vraiment la motivation qui est importante mais plutôt la fascination exercée par ce personnage. Il agit comme un aimant, qui les attire irresistiblement malgré la frontière du fleuve Mississipi.

      Et puis le fait qu'il soit mythomane, qu'il construise sa légende au fur et à mesure des histoires qu'il raconte, c'est pour les gosses une stimulation dans leur quotidien bien cheum (les scènes avec la copine d'Ellis le prouve). Et on revient aussi à la figure paternelle évidemment, absente chez Neckbone et désabusée chez Ellis.

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    3. Tes arguments m'ont convaincu.

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  8. @Mr H
    Fâché avec l'orthographe de Mississippi ? ;-)

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  9. Visiblement oui ! 1-1 ! ;)



    Et dis moi, sur ton blog tu ne dis pas vraiment pourquoi tu n'as pas aimé Mud, j'aimerai avoir ton avis. Quand t'écris "je n'ai rien capté à cette histoire improbable", pourrais tu développer davantage ?

    ++

    Mr. H'

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