Le film du mois d'Avril est :
L'oiseau au Plumage de Cristal

Sortie dans les salles italiennes en 1970
Disponible en DVD dans plusieurs éditions (FNAC Les Introuvables pour la plus récente, TF1 Vidéo...)Réalisé par : Dario Argento
Avec : Tony Musante, Suzy Kendall, Enrico Maria Salerno, Eva Renzi...
Film italo-allemand
Genre : Rome sous le joug d'un tueur fou
Durée : 1h38
Synopsis :
Sam Dalmas est un écrivain américain vivant à Rome avec
sa petite amie Julia, mannequin. La nuit précédant son retour aux
États-Unis, il est témoin de l'agression d'une femme par un mystérieux
individu vêtu d'un imperméable noir. Essayant de lui porter secours, il
est piégé entre les deux portes automatiques d'une galerie d'art et ne
peut qu'observer pendant que l'assaillant s'enfuit. La femme, Monica Ranieri, épouse du patron de la galerie, survit à l'attaque, mais la police confisque le passeport de Sam pour
l'empêcher de quitter le pays, pensant qu'il pourrait être un important
témoin. Sam est alors hanté par ce qu'il a vu cette nuit-là, persuadé
qu'un élément important lui échappe. Lui et son amie deviennent les
nouvelles cibles du mystérieux agresseur.

C'est quoi ce film ?!
Question
complexe pour un film aussi important pour le cinéma policier tout
comme pour le cinéma d'horreur. En 1969, un certain Dario Argento -
critique de cinéma et accessoirement co-scénariste du monumental Il Etait une fois dans l'Ouest
de Sergio Leone - est en passe de renouveler la façon de concevoir le
cinéma populaire. L'un des scénaristes du western de Leone lui conseille
de lire - pour son plaisir - The Screaming Lili, un roman policier de Fredric Brown, qui deviendra la base solide du scénario de L'Oiseau au Plumage de Cristal.
Mais Dario Argento ne compte pas le réaliser, son truc pour l'heure est
surtout l'écriture. Face aux refus successifs des producteurs, son père
décide de le produire à condition que son rejeton le mette en scène (sa
famille est dans le milieu artistique, au passage) ! Voila pour les
prémisses, parlons maintenant du film lui-même.
L'Oiseau au Plumage de Cristal
est un giallo, c'est-à-dire un thriller italien teinté d'éléments
violents et/ou sadiques qui le rapproche du cinéma d'horreur. Ce genre
de film, dont l'origine du mot signifie "jaune" en raison de la couleur
des couvertures des romans policiers des années 30 à 60, apparait avec
la figure de proue Mario Bava dans les années 60. Citons entres autres
références du genre, La fille qui en savait trop (1963) et Six femmes pour l'assassin (1964).
Ainsi
si le film semble au premier abord n'être qu'un simple film policier,
détrompez-vous ! Argento nous entraîne dans un thriller solide, qui plus
est dans un environnement moderne où le tueur peut venir de n'importe
où. On voit que le réalisateur connait (et aime) Rome par coeur, il
filme les rues, les batiments, jusque dans ses endroits les plus
inquiétants avec une énergie singulière. Il nous invite à chercher des
indices dans le décors, à parler aux personnages comme si l'on se
trouvait avec eux. Et pour le coup, c'est très réussi, notamment grâce à
un scénario passionant et d'excellents acteurs - Tony Musante et la
sublime Suzy Kendall en tête. Malgré le côté sérieux et pervers de
l'histoire, Dario Argento ose introduire des notes d'humour qui se
marrie parfaitement bien. On retiendra par exemple des seconds rôles
savoureux, l'antiquaire homosexuel un peu trop entreprenant, le peintre
ermite qui offre gentiment une assiète remplie d'aliments disons peu
appétissants. Le film joue de ces décalages d'ambiances, de ces
situations anodites au cours d'une enquête qui, elle, ne l'est pas.

Sur la forme, L'Oiseau au ¨Plumage de Cristal ose
également beaucoup de choses. Emboitant le pas à de nombreux films
d'horreur, les scènes du tueur nous apparaissent en vue subjectives
(respiration maladive en prime), et nous incitent sans prévenir à être
complice des meurtres sordides. Ces scènes sont d'ailleurs extrêmement
bien mises en scène, d'une violence graphique étonnante, le tout sur une
musique de Ennio Morricone - excusez du peu. Pour un premier film, L'Oiseau au Plumage de Cristal
fait preuve d'une réalisation moderne, multipliant les inserts et
autres gros plans de manière maîtrisée. De plus ce film constitue un
pont indéniable entre le cinéma populaire et le cinéma expérimental. Le
succès critique et public du film lors de sa sortie (il restera à
l'affiche plusieurs années dans certains cinémas) est là pour confirmer
une chose : il s'agit d'un divertissement populaire indéniable. Passant
d'une discussion de routine sur une enquête, puis par une course
poursuite haletante, pour finir par une scène sanglante et opressante,
tout y passe. Un bijou de suspense considérable.
On
retrouve un autre ingrédient que Dario Argento reprendra pour ses
autres films, à savoir l'intérêt pour l'art. En effet, le premier crime a
lieu dans une galerie d'art moderne. Mais il y a aussi ce tableau
troublant, objet de perversion qui incite à tuer une fois qu'on le
regarde - un élément par ailleurs mincement fantastique qui entretient
le mystère. Son amour pour l'art et plus particulièrement la peinture,
Dario Argento le répercute sur sa façon de filmer, il fige la réalité
par des arrêts sur image, ses scènes de meurtres semblent inspirées des
grands peintres romantiques avec comme différence notoire, l'aspect
fétichiste (les gants noirs...). On pourrait ainsi parler du cinéma de
Dario Argento comme d'une peinture en mouvement, tant l'exercice de
style est réussi. Pour faire simple, un film en tout points magistral.

Avec
une telle réussite, la carrière du réalisateur démarre logiquement,
perfectionnant son art de film en film dans les années 1970-80-90 (la
qualité de ses derniers films est très discutable). Il lance par la même
occasion un engouement populaire à l'égard du giallo. Cependant le film
est un rescapé : de par sa réalisation audacieuse qui se détache des
conventions du genre, un ponte du studio Titanus voulait reprendre à
zéro avec un autre réalisateur, avant que le père de Dario Argento
intervienne. Bien lui en a pris !
Dr. Gonzo
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