vendredi 16 novembre 2012

Rengaine

rengaine affiche
Réalisé par : Rachid Djaidani

Avec : Slimane Dazi, Sabrina Hamida, Stéphane Soo Mongo...

Nationalité : Française

Genre : Dorcy et ses 40 beaux-frères.

Durée : 1h15min








Paris, aujourd'hui. Dorcy, jeune Noir chrétien, veut épouser Sabrina, une jeune Maghrébine. Cela serait si simple si Sabrina n'avait pas quarante frères et que ce mariage plein d'insouciance ne venait cristalliser un tabou encore bien ancré dans les mentalités de ces deux communautés : pas de mariage entre Noirs et Arabes. Slimane le grand frère, gardien des traditions, va s'opposer par tous les moyens à cette union...





Critique de Mr H' 
Contrairement au sens implicite de son titre, Rengaine s’avère être un film unique. Une expérience même, tant le spectateur passe de l’émotion à la révolte, du rire à l’indignation et ceci en moins d’une heure et demie dans un film où l’art, le septième, devient brut, percutant mais aussi brûlant.

Elle, c’est Sabrina. Jeune musulmane au caractère bien trempé, elle mène une existence heureuse et une belle histoire d’amour avec Dorcy, un jeune catholique noir. Ils se moquent des traditions et des religions, bref ils s’en balancent façon Barbara. Le jeune couple décide de se marier. C’est beau, mais est-ce si simple dans une société encadrée par le poids des communautés, voire du communautarisme ? Pas vraiment, surtout quand on apprend que Sabrina a quarante frères. Ah oui, quand même… Conte naturaliste, absurde et drôle, Rengaine s’applique à dénoncer la pesanteur du carcan familial et la rigidité d’un système patriarcal.
Le récit du film de Rachid Djaidani se divise en deux thématiques. D’un côté, l’existence de Dorcy, jeune comédien perdu dans le flot des castings foireux et des clichés racistes dominant le milieu du spectacle. De l’autre, la figure du grand frère, incarnée par Slimane Dazi. Le spectateur suit son cheminement physique de petits frères en petits frères à travers un Paris d’aujourd’hui, dont le rendu est l’une des premières portes d’entrée du film. De Stalingrad au Pont des Arts, des Abbesses à l’Ile Saint Louis, Rengaine voit se succéder des saynètes à l’humour ravageur, accordant au verbe et aux expressions de la rue une visibilité trop peu répandue dans le cinéma français.

Les amateurs de belles images à la Terrence Malick, les inconditionnels de la technique et de l’image léchée, gardez votre argent pour autre chose. Le message proposé par Rachid Djaidani est un tout et oriente naturellement la forme donnée au film. Les dix premières minutes désarment, les gros plans se succèdent et collent au plus près de la peau de l’acteur. C’est d’abord une volonté de saisir ses contemporains au vif qui anime le réalisateur. En accord avec son propos, il refuse le cadre et la composition de l’image. Maladresse et nervosité des plans s’accordent afin de retranscrire la fragilité et la tension des personnages. La cohérence entre fond et forme devient alors indiscutable. Oui, bien sur, cette démarche est aussi involontaire que fauchée. Elle témoigne des difficultés de faire un film aujourd’hui. 

Djaidani aborde de front cette question du tabou communautaire et de l’impossibilité pour la fratrie musulmane de marier une sœur à un noir. Lorsque Slimane rend visite à tous ses frères pour évoquer le « problème Sabrina », la démarche est assimilable à un micro-trottoir qui verrait un journaliste demander à un public masculin pourquoi le mariage est inenvisageable. Alors des raisons en ont-ils ? Non. Ce que dénonce Rachid Djaidani, c’est bien cela : l’absence d’argumentaire du mâle dominant. Le silence exprime à lui seul l’absurdité de l’opinion patriarcale. En leur rendant visite, Slimane exerce sur ses petits frères une telle emprise qu’ils concourent tous pour empêcher le mariage de leur petite sœur. Tous ? Plus ou moins car quelques voix dissonantes s’élèveront contre la position de Slimane, permettant au couple l’espoir d’une harmonie…

Primé à la dernière quinzaine des réalisateurs à Cannes, Rengaine est un film nécessaire, d’une actualité brûlante et un formidable témoignage sur le racisme ordinaire ancré dans les traditions religieuses qu’elles soient catholiques ou musulmanes. Rachid Djaidani, autodidacte, a réalisé ce film dans la difficulté ce qu’il n’oublie pas de rappeler dans le générique de fin : « Sauvage ou illégal, le cinéma brûle en nous et je lui dis je t’aime ». 


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