Réalisé par : Rachid Djaidani
Avec : Slimane Dazi, Sabrina Hamida, Stéphane Soo Mongo...
Nationalité : Française
Genre : Dorcy et ses 40 beaux-frères.
Durée : 1h15min
Paris,
aujourd'hui. Dorcy, jeune Noir chrétien, veut épouser Sabrina, une
jeune Maghrébine. Cela serait si simple si Sabrina n'avait pas quarante
frères et que ce mariage plein d'insouciance ne venait cristalliser un
tabou encore bien ancré dans les mentalités de ces deux communautés :
pas de mariage entre Noirs et Arabes. Slimane le grand frère, gardien
des traditions, va s'opposer par tous les moyens à cette union...
Critique de Mr H'
Contrairement au sens implicite de son titre, Rengaine
s’avère être un film unique. Une expérience même, tant le spectateur
passe de l’émotion à la révolte, du rire à l’indignation et ceci en
moins d’une heure et demie dans un film où l’art, le septième, devient
brut, percutant mais aussi brûlant.
Elle,
c’est Sabrina. Jeune musulmane au caractère bien trempé, elle mène une
existence heureuse et une belle histoire d’amour avec Dorcy, un jeune
catholique noir. Ils se moquent des traditions et des religions, bref
ils s’en balancent façon Barbara. Le jeune couple décide de se marier.
C’est beau, mais est-ce si simple dans une société encadrée par le poids
des communautés, voire du communautarisme ? Pas vraiment, surtout quand
on apprend que Sabrina a quarante frères. Ah oui, quand même… Conte
naturaliste, absurde et drôle, Rengaine s’applique à dénoncer la pesanteur du carcan familial et la rigidité d’un système patriarcal.
Le
récit du film de Rachid Djaidani se divise en deux thématiques. D’un
côté, l’existence de Dorcy, jeune comédien perdu dans le flot des
castings foireux et des clichés racistes dominant le milieu du
spectacle. De l’autre, la figure du grand frère, incarnée par Slimane
Dazi. Le spectateur suit son cheminement physique de petits frères en
petits frères à travers un Paris d’aujourd’hui, dont le rendu est l’une
des premières portes d’entrée du film. De Stalingrad au Pont des Arts,
des Abbesses à l’Ile Saint Louis, Rengaine voit
se succéder des saynètes à l’humour ravageur, accordant au verbe et aux
expressions de la rue une visibilité trop peu répandue dans le cinéma
français.
Les
amateurs de belles images à la Terrence Malick, les inconditionnels de
la technique et de l’image léchée, gardez votre argent pour autre chose.
Le message proposé par Rachid Djaidani est un tout et oriente
naturellement la forme donnée au film. Les dix premières minutes
désarment, les gros plans se succèdent et collent au plus près de la
peau de l’acteur. C’est d’abord une volonté de saisir ses contemporains
au vif qui anime le réalisateur. En accord avec son propos, il refuse le
cadre et la composition de l’image. Maladresse et nervosité des plans
s’accordent afin de retranscrire la fragilité et la tension des
personnages. La cohérence entre fond et forme devient alors
indiscutable. Oui, bien sur, cette démarche est aussi involontaire que
fauchée. Elle témoigne des difficultés de faire un film aujourd’hui.
Djaidani
aborde de front cette question du tabou communautaire et de
l’impossibilité pour la fratrie musulmane de marier une sœur à un noir.
Lorsque Slimane rend visite à tous ses frères pour évoquer le « problème
Sabrina », la démarche est assimilable à un micro-trottoir qui verrait
un journaliste demander à un public masculin pourquoi le mariage est
inenvisageable. Alors des raisons en ont-ils ? Non. Ce que dénonce
Rachid Djaidani, c’est bien cela : l’absence d’argumentaire du mâle
dominant. Le silence exprime à lui seul l’absurdité de l’opinion
patriarcale. En leur rendant visite, Slimane exerce sur ses petits
frères une telle emprise qu’ils concourent tous pour empêcher le mariage
de leur petite sœur. Tous ? Plus ou moins car quelques voix dissonantes
s’élèveront contre la position de Slimane, permettant au couple
l’espoir d’une harmonie…
Primé à la dernière quinzaine des réalisateurs à Cannes, Rengaine
est un film nécessaire, d’une actualité brûlante et un formidable
témoignage sur le racisme ordinaire ancré dans les traditions
religieuses qu’elles soient catholiques ou musulmanes. Rachid Djaidani,
autodidacte, a réalisé ce film dans la difficulté ce qu’il n’oublie pas
de rappeler dans le générique de fin : « Sauvage ou illégal, le cinéma
brûle en nous et je lui dis je t’aime ».
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