Le-bon-film-pas-très-connu-du-mois de Juillet est:
Sorti le 26 janvier 2011
Avec : Joseph Dorkel, Fred Dorkel, Michael Dauber...
Nationalité : Française
Genre : La twingo du rabbin
Durée : 1h24
Chez
les Yéniches, communauté de gens du voyage, le respect des aînés et la
ferveur religieuse côtoient indifféremment le vandalisme. Fred Dorkel
est l'un d'entre eux : craint et estimé par les siens, il vit du vol de
voitures. Une nuit, sa vie bascule : un ange lui apparait. Pour Fred,
c'est le signe d'une seconde chance qu'il doit saisir. Il décide de se
ranger, mais ce choix va l'opposer à sa famille...
C'est quoi ce film ?
La BM du seigneur
est un ovni cinématographique. La formule est assez facile mais au fond
tellement vraie tant le film de Jean-Charles Hue ne se rapproche
d’aucun standard ni d’aucune autre référence si ce n’est peut être le
film Wesh Wesh, qu’est ce qui se passe ? de Rabah Ameur-Zaimeche ou encore Rue des cités
de Carine May et Hakim Zouhani présenté au festival Premiers Plans
2012. C’est d’ailleurs au cours de la précédente édition de ce festival
que j’ai pu découvrir le second film de Jean Charles Hue, véritable
petite pépite… Ni documentaire ni fiction, ce film nous plonge dans le
quotidien des Yéniches, une communauté de gens du voyage dont la vie
n’échappe pas aux clichés courant sur les gitans. Ainsi, la famille
Dorkel vit de petits larcins avec en chef de file, Fred, l’ainé des
trois fils de Joseph, le patriarche. Jean-Charles Hue a vécu plusieurs
années avec les Dorkel. Pas étonnant alors qu’il livre une telle œuvre,
ou le terme « docu-fiction » prend tout son sens ! Ce film profondément
original déstabilisera à coup sur le spectateur mais provoquera
inévitablement l’empathie pour qui se laisse envahir par l’univers des
Yéniches.
La BM du seigneur
s’ouvre naturellement sur une BMW (ah facile ! tu l’as trouvé tout
seul ?!). N’empêche, le décor est donné… Au volant de son allemande, un
jeune homme fonce à travers le camp de caravanes sans se soucier ni des
passants ni du décor. Ca n’est pas vraiment du goût de Joseph, vieux
briscard tatoué mais fatigué, qui entend bien raisonner le garçon à coup
de fusil à pompe. Ca s’passe comme ça chez les Yéniches, rien de plus,
rien de moins. Trop vieux pour se battre avec le jeune Michaël, Joseph
envoie son plus jeune fils, un petit rouquin assez vilain faut bien le
dire, se faire casser la gueule lors d’un duel mémorable où toute la
communauté est conviée. C’est du Sergio Leone pour gitans, rien que ça.
On lave son linge sale en famille chez les Yéniches. De même, sitôt la
bagarre terminée, on se réunit autour d’une bonne merguez !
Passé ces vingt minutes, assez jubilatoires, le récit se recentre sur
l’histoire de Fred, un autre fils de Joseph, la force tranquille de la
communauté. Enfin, pas si tranquille que ça… Fred est ce qu’on peut
appeler un « beau bébé » d’un peu plus d’un quintal. S’il t’en déloge
une, pas sur que tu demandes ton reste pour rester courtois. Fred a tout
du voyou-type. Avec son frère, « une gueule » pour ainsi dire, il forme
une belle paire profitant de toutes les largesses permises par
l’illégalité (vol de voiture, trafic d’armes…). Seulement voila, le
scénario décide de mettre la délinquance de Fred a rude épreuve. Une
nuit, Fred pense recevoir la visite d’un ange. Elle se manifeste sous
les traits d’un canidé, un croisé labrador-pitbull (what else ?). Dès
lors, le récit s’oriente vers la dualité du caractère de Fred. Décidé à
se comporter irréprochablement, sa volonté est pourtant sujette à des
moqueries et provoque principalement l’incompréhension de son frère.
Il y a discorde entre les deux frères. Fred a promis une 7. 35
(entendez une BMW 735 blanche) à son cadet contre un révolver. Or, le
deal est menacé par la révélation nocturne. Fred se tourne alors vers
l’évangélisme, religion très répandue chez les gens du voyage (voir le film Jimmy Rivière)
mais ne peut trahir sa nature et son existence passée. Un soir, plus
« kronembourisé » que d’habitude, il honore la promesse faite à son
frère, en chapardant le fameux véhicule sous les yeux médusés du
propriétaire. La fin du film se déguste avec saveur, ce pourquoi je ne
la dévoile pas. Pour faire languir le spectateur, elle donne lieu à une
scène à ma connaissance inédite au cinéma : une joute verbale
inter-caravanes avec un fil a linge au milieu. Juste excellent.
Vous l’aurez compris, Jean Charles Hue filme ici ce qu’il
connait, ce qu’il a vécu pendant plusieurs années sans complaisance ni
jugement moral. La mise en scène est relativement approximative, le
montage concède parfois quelques faiblesses mais ce n’est
fondamentalement pas l’essentiel, loin de là. L’utilisation de la
lumière est très bonne alternant entre les scènes de jour, concentré
dans le camp Yéniche, un camp placé volontairement hors-société. Le
langage est une autre composante très importante du film et très
savoureuse. En témoigne, l’échange initial entre Fred et Michaël,
incompréhensible au premier visionnage. Les mots « ma couille », « mon
copain » et « ma rackli », s’alternant à une vitesse folle, déroutent le
spectateur non initié.
La BM du seigneur
est un film d’auteur à part entière, tant le réalisateur y met de son
vécu et représente son amour pour la famille Dorkel. C’est un « film de
gueule », si l’expression m’est permise, tant la galerie des personnages
(masculins pour la plupart) est riche et diversifiée. Il faut le
prendre tel qu’il est, avec ses faiblesses, mais ce sont véritablement
des œuvres aussi originales qui marquent le vécu des spectateurs.
Mr H'
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